Le Bourgeois de Lille : esquisses locales

par Legrand; Pierre (1804-1859)

LE BOURGEOIS DE LILLE AUX ASSISES DE DOUAI.

Il est une époque dans la vie du Bourgeois de Lille, redoutée par lui à l’égal de celles qui sont marquées par de grandes calamités : c’est l’époque de la session trimestrielle du jury qui s’assemble à Douai.

Depuis le moment où des indiscrétions de Préfecture ou de Parquet lui ont appris qu’il figure sur la terrible liste des 300 citoyens, Spartiates au petit pied, qui doivent se sacrifier huit jours pour le salut de l’ordre social ébranlé, le Bourgeois de Lille ne se possède plus ; il maudit, je ne dirai pas le diplôme de licencié ou de membre de la Société des Sciences qui l’appelle à l’honneur d’être juré, mais bien la malheureuse patente, qui lui adjoint, comme contrepoids de sa capacité électorale, une charge de magistrature que sa femme regarde comme un double emploi. « En effet, lui répète à chaque instant cette estimable épouse, pourquoi t’envoyer ainsi juger des voleurs et des assassins, quand nous payons pour cela des présidents et des conseillers ? »

Digne femme !

C’est surtout à l’approche du tirage que l’anxiété du Bourgeois redouble.

« Bon ! se dit-il, quand la Petite Feuille de Danel ne mentionne pas son nom sur la liste des 36, — Bon ! Me voilà encore une fois échappé ! »

Mais il n’a pas toujours ce bonheur. Au tirage suivant, son nom sort rayonnant de l’urne, ou plutôt du carton néfaste.

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L’auteur
Avocat et homme politique lillois. Père du ministre du même nom.