Les Français peints par eux-mêmes : le Flamand

Posted by Aldine on 21 août 2015 in |

Si vous rencontrez dans quelque lieu public, où l’on puisse fumer et boire, un homme au large flanc, à la face vermeille et réjouie, de qui les traits réguliers soient empâtés par un embonpoint qui en atténue l’expression, qui, dans l’attitude de la plus parfaite sécurité, parle lentement, d’une voix forte, le regard haut et bienveillant et le poing sur la cuisse, tenez-vous pour assuré que ce mortel est un bon Flamand. Tant qu’il causera sur le ton de la conversation ordinaire, rien de vif, de mordant, de remarquable, ne s’échappera de ses lèvres ; mais avant peu de minutes, si le texte du discours se fixe sur un sujet, vous le verrez parlementer, ses opinions vont se prononcer, sa parole prendra l’aspect d’une plaidoirie ; il s’animera, il excitera ses interlocuteurs par la piqûre de quelques paradoxes, par l’aiguillon d’un ton tranchant, et la discussion la plus vive, la plus tumultueuse, sera bientôt engagée. Une fois lancé sur ce terrain, il ne s’arrêtera plus. Aucun peuple au monde, sauf le Marseillais, n’aime tant à contester : on sent qu’il est heureux d’ergoter, de s’échauffer d’un courroux passager et factice. Bientôt son esprit, qui n’est que recouvert de rouille, commence à briller : cet homme si lourd tout à l’heure va devenir railleur, incisif, et sa logique, étayée d’un bon sens difficile à combattre, fera de lui un rude adversaire. L’heure de son triomphe est celle où, fatigué de la discussion, vous vous refusez à l’alimenter encore. Alors, point de quartier, il vous presse, il vous enveloppe, il vous poursuit et vous écrase. Si vous avez eu par malheur des différends avec un Flamand, fuyez-le ; car, chaque fois qu’il vous rencontrera, il reprendra l’entretien juste au point où vous l’avez laissé.

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Genre: Portrait
Série: années 1840 | Thèmes: humour

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